Déception dans les herbes 

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« L’avantage d’être une maman ourse : les enfants font des nuits de six mois. »

L’édition est soignée, le livre séduisant : il n’en fallut pas plus pour que je me procure les Aphorismes dans les herbes et autres propos de la nuit  de Sylvain Tesson. Bien disposé à lire les sentences de l’auteur de l’essai Dans les forêts de Sibérie, quelle ne fut pas ma déception à leurs lectures !

« Regarder la télé ! Alors qu’il y a le ciel ! » telle est le type de phrase lue et relue que l’on peut trouver dans ce livre. Au début du recueil pourtant, l’auteur écrit à propos de l’aphorisme : « Si la toxine du calembour l’a infecté, il faudra le jeter. » et force est de constater qu’ils n’ont pas été évacués. En effet, une bonne moitié de ses maximes est uniquement fondée sur le jeu de mot oisif sans le pouvoir corrosif ou humoristique que l’on attend souvent d’un aphorisme.

« Toute amante est religieuse. »

« Le cheval de bois au manège : « c’est ma tournée !» ».

Si ces aphorismes nous permettent parfois d’esquisser un sourire, ils vont rarement au-delà et l’ensemble de l’œuvre peut paraître anecdotique. D’un recueil de maximes, toujours, se dégage un caractère, une pensée unique, singulière mais les Aphorismes dans les herbes n’ont pas cette force et n’expriment pas avec conviction leur auteur.

Toutefois, il faut reconnaître à ce livre quelques belles trouvailles et particulièrement en ce qui concerne la description de la Nature.

« Les îles sont des citadelles, elles ne reculeront pas, la houle est une cause perdue. »

Sylvain Tesson sait nous émouvoir de ces paysages qu’il rend, tour à tour, mélancoliques ou malicieux. Plutôt que s’éparpiller à traiter des thèmes aussi divers que l’amour ou la politique, un recueil plus resserré, plus épuré sur la Nature eut assuré une cohérence et une véritable portée à cette œuvre qui en manque et j’en veux pour exemple ce bel aphorisme poétique :

« La glace est la pudeur des lacs. »

Aphorismes dans les herbes et autres propos de la nuit, Sylvain Tesson, Pocket, 144 p., 6,20 euros

  • 22 juin 2015