Les secrets truismes de Jean Cocteau

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« La masse ne peut aimer un poète que par malentendu. »

Il y a 3 ans, la maison d’édition Gallimard a entrepris de rééditer les Secrets de beauté de Jean Cocteau, qui sont, selon l’écrivain, des « notes prises pendant une panne d’automobile sur la route d’Orléans. » De cet événement fortuit, naquirent des aphorismes et des fragments très courts qui véhiculent la vision que se faisait alors Cocteau de la poésie et du rôle du poète dans la société. D’anecdotes sur ses amis artistes en sentences à valeur gnomique, l’écrivain nous dévoile, comme du bout des lèvres, son propre art poétique.

« La poésie est un instrument de précision. Un tir de précision. Un tir à longue portée. »

Ainsi, il nous y raconte non seulement ses amours comme Jeanne d’Arc, Apollinaire ou encore Picasso mais également ses désamours tels que Musset ou Goethe qu’il n’hésite pas à égratigner. Il n’hésite pas non plus à partager ses impressions sur le cinéma et ses apports poétiques et évoque à plusieurs reprises ses propres films comme Orphée ou Le Sang d’un poète.

« Apollinaire chantait ses poèmes en les écrivant. Ces secrets de bonne femme valent mieux qu’Aristote.»

« Le poète ne cherche pas une majorité. Jeanne d’Arc n’avait que trois voix. »

Mis à part cet intérêt documentaire s’attachant à la personne de Cocteau, force est de constater que la lecture des Secrets de beauté relève, à mon sens, la plupart du temps, du pensum. Quel ennui distillé dans si peu de pages ! Que de truismes dans un si petit volume ! Tous les clichés consacrés à la figure du poète y sont présents. Solitaire, exclus, dépassé par la langue qui écrit plus que lui-même, mal dans ce monde qui ne le comprend pas, mais magicien, humble et révolutionnaire, rien ne nous est épargné !

« Même si elle semble être agréable, la vie d’un poète est chose atroce, elle se passe dans le supplices et il n’en peut éviter un. »

« La beauté boite. La poésie boite. C’est dans sa lutte avec l’ange que le poète sort boiteux. C’est de cette boiterie que le poète tire son charme.»

De soupirs d’exaspération en grimaces d’incompréhension, ce livre m’est très vite tombé des mains tellement son contenu m’a paru plat et insipide. Si Cocteau peut se flatter de talents artistiques indéniables, il ne peut, toutefois pas, dans Secrets de beauté, compter, selon moi, sur celui d’aphoriste. Ses phrases sont plates, aucun art de la pointe ne vient relever ses propos : on assiste, interdit, à un défilé de platitudes, d’autant plus surprenant dans la bouche d’un tel écrivain !

« Un chef d’œuvre est une bataille gagnée contre la mort. »

Je ne sais donc pas si Gallimard a rendu un grand service au génie de cet écrivain en rééditant ces aphorismes d’une qualité médiocre qui auraient sûrement dus rester un exercice de style personnel pratiqué lors d’une panne de voiture. Le seul aphorisme qui a, toutefois, un peu éveillé mon attention n’est hélas pas de la main de Cocteau mais de la bouche d’Erik Satie cité par ce dernier :

« Le tout n’est pas de refuser la Légion d’honneur, encore faut-il ne pas l’avoir méritée. »

Secrets de beauté, Jean Cocteau, Gallimard, 88p., 11 euros

  • 3 octobre 2016
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