Un ennui nommé Chardonne

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« Ne parlons pas trop de l’amour ; cela réveille des mauvaises pensées. »

Cet aphorisme plat, sans relief particulier est à l’image des Propos comme ça de Jacques Chardonne qu’on ne peut s’empêcher de lire distraitement, réprimant à l’occasion quelques bâillements. Que dire sur cet ouvrage si ce n’est qu’il ne provoque rien excepté une vague somnolence chez son lecteur ! Les sujets abordés ne parviennent pas à dépasser l’anecdotique, le style qui se veut clair et sans artifices est juste terne et ennuyeux : ces quelques cent pages nous en paraissent le double tellement elles nous maintiennent endormis, comme hébétés après une sieste qui aurait duré trop longtemps.

« Les multiples besognes et tracas dans l’ordre politique, c’est remuer du sable. »

A la léthargie dans laquelle ces Propos nous plongent, s’ajoutent la nausée et quelques haut-le-coeur provoqués par certaines maximes navrantes de cet éditeur, collaborationniste notoire pendant la Seconde Guerre Mondiale. Cet écrivant – écrivain nous paraît exagéré – livre avec passéisme et amertume ses souvenirs dont l’intérêt reste très relatif, tout juste documentaire ; quelques uns des passages du recueil flirtant même dangereusement avec l’insignifiance absolue.

« Michel Déon est en Grèce pour longtemps, je crois. Où sont les Grecs ? »

« Le cerveau humain, drôle de machine : on ne sait jamais ce qu’elle va produire. »

La question est donc : que sauver de ce naufrage littéraire que sont les Propos comme ça ? La réponse est peut-être quelques fulgurances qui réveillent parfois notre attention flottante, deux ou trois anecdotes qui font esquisser un ersatz de début de sourire. Peut-être aussi le rapport de Chardonne avec quelques amis écrivains et encore : l’intérêt de ses aphorismes nous paraît aussi mince que ne peut l’être le volume lui-même.

« Je ne connais qu’une distraction dans la vieillesse : être utile. C’est sortir de soi. »

« Nous avons facilement du dédain pour l’opinion des autres ; pourtant, s’ils sont de notre avis, cela rassure. »

Qu’écrire ? Cet ouvrage désuet nous tombe des mains et c’est peut-être mieux ainsi. Si vous avez deux courtes heures à tuer et que vous désirez vous punir d’un quelconque forfait, vous pouvez vous infliger la lecture de ce recueil : sinon, passez votre chemin, faites autre chose, montez un meuble, démontez-le, remontez-le, tout pour vous éviter cette perte de temps que constitue le vague parcours des lignes des Propos comme ça.

« Vous dites : un tel était ainsi. En réalité, il a échappé à tous. Nous vivons parmi des fantômes. »

Propos comme ça, Jacques Chardonne, Les Cahiers rouges, Grasset, 6,80 euros

  • 20 juin 2016
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