De la sagesse populaire en temps romains
« La complaisance excessive emporte du côté de la sottise. »
N’étant plus éditées depuis les années 1930, qui se souvient encore aujourd’hui des Sentences de Publilius Syrus, cet ancien esclave affranchi devenu mimographe au Ier siècle avant J-C ? Qui a encore à l’esprit ces traits acerbes et comiques à la fois qui ont fait le bonheur d’un auteur tel que Sénèque ? Pour notre plus grand plaisir, les éditions Les Belles Lettres s’en sont souvenues et ont réédité ce recueil de Sentences accompagné de commentaires détaillés. En édition bilingue pour les latinistes, cette œuvre permet de découvrir ou de redécouvrir l’art de l’aphorisme pratiqué par un auteur de l’Antiquité romaine.
« Il faut supporter la nécessité, et non la déplorer. »
« On faute deux fois quand on rend service à un fautif. »
Extraites de mimes, un art de la rue dont il est « impossible de donner une définition univoque » selon l’excellente introduction rédigée par Guillaume Flamerie de Lachapelle, ces sentences ont pour but de faire rire le spectateur en caricaturant à l’extrême les vices et les vicieux de l’époque. Maris jaloux, avares et autres stéréotypes sont réunis pour donner en spectacle leurs ridicules face à un public qui attend d’être diverti. S’il est impossible de savoir comment furent choisies ses sentences pour constituer un recueil, nous est parvenu un ensemble de 730 aphorismes à la tonalité morale très forte.
« La cupidité des riches n’est qu’une indigence cossue. »
Prisés par Érasme ou encore Shakespeare, ces traits d’esprit sont, à la lecture, devenus aujourd’hui quasiment des proverbes et véhiculent une morale romaine, toujours très proche de la nôtre. Alternant entre gravité et légèreté, ces sentences sont le fruit d’une expérience quotidienne de la vie et forment le creuset d’une sagesse populaire encore en vigueur de nos jours. Ce qui frappe, en effet, dans ces formules, c’est leur incroyable inactualité ou actualité ! Le lecteur paraît plongé, à quelques exceptions près, dans les expressions de la morale du XXIème siècle.
« Les très grandes choses ont forcément eu des débuts très modestes. »
« Les craintes se réalisent plus vite que les espoirs. »
Obéissant à un rythme souvent binaire, parfois ternaire, ces Sentences confrontent des thématiques opposées à l’aide de procédés assez classiques dans l’art de l’aphorisme comme le paradoxe, l’antithèse ou encore l’oxymore. Une morale assez rigide en émerge prônant le bonté et l’honnêteté comme vertus cardinales de l’homme de bien. Les notions du devoir ou de l’amitié y ont également une place privilégiée ; les idéaux de sobriété et d’austérité irriguent chaque phrase contre la dépravation que représentent le faste et le luxe. Ce recueil – et ce sont là son intérêt et son charme – nous permet de saisir la morale populaire qui était en œuvre en ce Ier siècle avant J-C. Cher lecteur, envie d’un voyage dans le temps à moindres frais ? Embarquez à bord de ces Sentences qui vous propulseront dans l’Antiquité romaine et vous feront embrasser « l’air du temps » !
« L’espoir apaise l’indigent, la fortune l’avare, la mort le malheureux. »
Sentences, Publilius Syrus, Éditions Les Belles Lettres, 164 p., 25 euros