Georges Braque, aphoriste

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« Oublions les choses, ne considérons que les rapports. »

On connaissait Georges Braque peintre, graveur ou encore sculpteur mais qui a déjà entendu parler du Georges Braque aphoriste ? Réunissant bien plus que des considérations sur la peinture, ses Cahiers de 1917 à 1952 ont été publiés par Gallimard sous le titre Le jour et la nuit. Quelle délicieuse et surprenante découverte que ce court opus! Si Braque avait éminemment le sens de la composition picturale, il n’était pas en reste en terme de précision et de netteté dans le trait d’esprit.

« Il faut se contenter de découvrir, mais se garder d’expliquer. »

En effet, son vocabulaire est choisi, sa langue rapide et tonique, sa phrase une mécanique tendue vers l’idée. Braque se fait ici le digne héritier des moralistes du 17ème siècle en intégrant la structure rythmée et souvent binaire de l’aphorisme. Esprit analytique, il tente de cerner au plus près et de définir des notions complexes ayant trait à l’Homme et sa représentation du monde. Outre ses remarques très intéressantes sur la peinture, il aborde tous les thèmes, de la politique à la métaphysique, en passant par le langage.

« La conscience est la mère du vice. »

« L’idéalisme est une forme convenue de l’espérance. »

C’est donc un carnet de réflexions et de pensées que le lecteur a ici sous les yeux. Inlassablement, Braque tente de s’approcher le plus près possible de la vérité en essayant de nous en faire voir les deux faces tel un ruban de Möbius. Une notion répond à une autre : le perpétuel s’observe dans le fugace, le vrai dans les mensonges, et l’art dans ses rapports complexes et ambivalents avec la nature. Étonnants, ses aphorismes ne sont jamais fortuits et semblent découler d’une réflexion longue et soutenue.

« Le tableau est fini quand il a effacé l’idée. »

Parfois, un trait d’humour vient égayer ce recueil dense qui se lit pourtant d’une traite. Être présent au monde, telle semble être l’ambition du peintre aussi bien dans sa vie qu’à travers son art. Conscient de ses limites et du périmètre resserré que couvre notre conscience, il exhorte le lecteur à l’humilité et à la méfiance. Chantre de l’esprit critique et de la raison, Braque nous laisse toute la place pour penser ses aphorismes et parfois, nous reviennent, comme en surimpression au recueil, ses tableaux sublimes qui font écho à ses mots non moins sublimes.

« Nous n’aurons jamais de repos : le présent est perpétuel. »

Georges Braque, Le jour et la nuit, Gallimard, NRF, 2011, 12,70 euros

  • 24 avril 2017
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