Les « mathématiques du cœur »
« Les hommes sont toujours contre la raison quand la raison est contre eux. » Helvétius
Qui se souvient encore aujourd’hui des pensées de cet auteur qui fit scandale en 1758 avec son traité De l’esprit ? Peu de personnes et c’est dans le sens d’une réhabilitation de ces moralistes oubliés que François Dufay a réuni les textes de ce recueil Maximes et autres pensées remarquables des moralistes français.
Composé de manière chronologique, ce livre recense les plus grands moralistes de La Rochefoucauld à Cioran et nous donne à comprendre l’évolution de ce genre complexe qu’est la maxime.
« Sur dix personnes qui parlent de nous, neuf en disent du mal, et souvent la seule personne qui en dit du bien le fait mal. » Rivarol
Après nous avoir présenté l’écrivain par une courte biographie, François Dufay nous propose une sélection d’aphorismes qui se veut représentative de la pensée de leurs auteurs.
« Si je savais une chose utile à ma nation qui fut ruineuse à une autre, je ne la proposerais pas à mon prince, parce que je suis homme avant d’être Français, (ou bien), parce que je suis nécessairement homme, et que je ne suis Français que par hasard. » Montesquieu
Des grands noms de la morale comme Pascal, La Bruyère, Vauvenargues ou encore Chamfort côtoient ceux d’aphoristes moins connus comme Jean Domat, La Beaumelle ou encore Paul-Jean Toulet.
« Il n’appartient qu’à ceux qui ont de violents penchants pour le vice, de pratiquer de grandes vertus. » La Beaumelle
« Si tu as peur de la mort, n’écoute pas ton cœur battre la nuit. » Paul-Jean Toulet
Le lecteur peut ainsi se promener dans ce livre, piochant ici une pensée de Paul Valéry, là un fragment de Joubert pour alimenter sa propre réflexion. La morale n’est plus à la mode, c’est ce qu’affirme François Dufay dans sa très riche et précieuse préface mais cet ouvrage contribue à une rédemption de la morale au détriment de la philosophie ou de la psychologie.
Ce florilège de pensées a pour vertu d’initier le lecteur à la forme de la maxime et à lui en faire découvrir les principaux auteurs. Très bien construit et pédagogique, ce livre parvient à nous faire goûter l’essence de cette forme courte et sa transformation au fil des siècles.
« Bien connaître quelqu’un, c’est l’avoir aimé et haï. » Marcel Jouhandeau
« Pourquoi attendre qu’ils soient partis ou morts pour pleurer ceux qu’on aime ? » Louis Scutenaire
Pour rendre hommage au travail et au cœur que François Dufay a mis dans cet excellent ouvrage, lui qui composa également des Maximes, citons ses deux aphoristes préférés :
« Il y a une mélancolie qui tient à la grandeur de l’esprit. » Chamfort
« La forme de nos pensées, c’est notre morale. » Jacques Chardonne
Maximes et autres pensées remarquables des moralistes français, François Dufay, CNRS Éditions, 10 euros