A la découverte de Louis Scutenaire

Partager

« Je ne suis ni poète, ni surréaliste, ni Belge. »

C’est par cette définition volontairement provocante et sarcastique que Louis Scutenaire tente de définir sa profonde marginalité ainsi que sa liberté radicale par rapport à la production littéraire de son époque. Né en 1905, il fréquente très vite le cercle des surréalistes belges composé de René Magritte, Camille Goemans ou encore Paul Nougé à qui il propose ses premiers poèmes. A partir de 1943, inspiré par les graffitis de Restif de la Bretonne, il entame la rédaction d’un journal mêlant poésie et aphorismes intitulé Mes inscriptions dont le dernier tome s’achèvera avec sa mort en 1987.

« Les ronces de la vie m’affectent plus que ses roses ne m’enchantent. »

« Une banalité me convient mieux qu’une originalité à la mode. »

Quelques extraits de cette œuvre immense couvrant près de quarante années de la vie de l’auteur ont été publiés et notamment le livre La cinquième saison, paru aux éditions La Pierre d’Alun en 1983. Ce recueil est un parfait point d’entrée dans la production fantasque et foisonnante de l’écrivain belge. Ne lui en déplaise, l’influence du surréalisme se ressent à chaque ligne et en particulier dans sa poésie qui mêle onirisme et érotisme avec une certaine propension à la déstructuration du langage. Si vous souhaitez en savoir plus sur les rapports entre surréalisme et aphorisme, n’hésitez pas à consulter notre grand entretien mené avec Marie-Paule Berranger, spécialiste du sujet.

« L’aurore aux doigts de rose ouvre l’écluse aux péniches des ténèbres, du crépuscule toile d’araignée sourd une lumière maussade d’où naît la déchirure éclatante de midi le juste. »

Anarchiste et anticapitaliste, Scutenaire n’a de cesse de dénoncer une société injuste, avide de richesses et qui broie les pauvres sans repenser les fondements même de son inégalité. Son obsession érotique est elle aussi très présente dans ce recueil qui montre bien toute l’étendue et la richesse de son talent. Percutants et avec une grande économie de moyens, ses aphorismes nous laissent comme hagards, abasourdis devant l’incroyable acuité de ses réflexions. Par la diversité de son ton autant que par ses sujets, Scut, comme il aime signer, jamais ne lasse et touche au cœur même des choses.

« Répéter, répéter sans répit que la main du riche est toujours dans la poche du pauvre. »

« Dès mon plus jeune âge, toujours j’ai été obsédé par les filles, et aujourd’hui encore, mais dans une faible mesure, propre à contenir les graines d’un canari pour un demi-jour. »

Si vous aimez La cinquième saison, n’hésitez pas à vous procurer le journal complet de l’auteur intitulé Mes inscriptions et dont les deux premiers tomes ont été réédités par la maison d’édition Allia. Ces deux recueils sont d’une richesse et d’une beauté telles que nous leur consacrerons à chacun un article, en temps voulu. Scutenaire est un véritable génie de l’aphorisme qui a su utiliser au maximum les potentialités de cette forme brève. Chaque sentence a sa couleur, chaque poème recèle un amour et une maîtrise de la langue infinis. Assez méconnu en France, rendons-lui justice : lisons-le, diffusons-le !

« Ne jugez pas, contentez-vous de ne pas comprendre. »

La cinquième saison, Louis Scutenaire, Olivier O. Olivier, La Pierre d’Alun, 65 p.

  • 16 octobre 2017
  • 2